Artiste et militant. Depuis mai 1968, ces deux brins de mon ADN s'entrecroisent. Réflexions et descriptions de ma vie militante. Quelques images de mes œuvres.
par RICHARD RUFFEL, ouvrier "maoïste" établi dans l'usine.
INVENTAIRE p.1 Une vie militante parmi tellement d'autres
p. 4 Autour de Mai 68: le début de la ligne claire
p. 9 Février-avril 1972, Nantes: une grève de six semaines avec occupation particulièrement représentative de l'après 68 , chez PARIS-SA
p. 120 1978-1979,Vénissieux : une lutte farouche mais vaine contre un plan de licenciement collectif à la SNAV
p. 167 Souvenirs en miette des conditions ouvrières
p. 198 Interlude : quelques années de militantisme culturel en milieu rural
p. 200 La politique autrement, offensives associatives.
p. 279 Epilogue.
I - Une vie militante parmi tellement d'autres
Ce qui va suivre ne constitue en aucune manière une autobiographie, des "Mémoires" ou plus simplement encore un irrépressible épanchement du narcissisme. Je n'ai jamais tenu de journal mêlant faits relevant de la sphère privée, notation d'émotions intimes, réflexions personnelles avec un agenda militant, une chronique politique… Je n'ai pas l'intention de raconter ma vie privée (chargée de joies, Christiane, mes enfants, mais aussi de galères…). Par ailleurs, je ne veux pas faire le récit de ma traversée d'organisations politiques (où j'ai beaucoup appris, connu des personnalités extraordinaires tout particulièrement à Nantes, vécu des crises intenses…) parce que je considère aujourd'hui que ces formes sont historiquement périmées et que les mouvements sociaux devront en inventer de nouvelles, très différentes. Ce faisant, bon nombre de mobilisations auxquelles j'ai participé avec enthousiasme ( Larzac, Malville… ) ne seront même pas évoquées. Si j'entreprends ce retour sur "mon" histoire, c'est principalement pour combattre, à mon échelle microscopique, les nombreuses raisons de se replier sur soi, de ne pas s'engager dans la vie citoyenne qui amènent les "générations MitterandChiracJospin" à ne plus rêver d'un monde meilleur, de ne plus essayer de "changer la vie". C'est pour affirmer que la lutte n'est pas triste et qu'une vie habitée par des combats divers et multiples est possible, enthousiasmante, riche de rencontres extraordinaires, de moments intenses partagés, et qu'il n'y a aucune raison de considérer que ça peut être amusant un temps mais que cela n'engage pas pour la vie ("il faut que jeunesse se passe", "c'est normal de jeter sa gourme avant de passer aux choses sérieuses"…). La seule chose sérieuse et jouissive en même temps, c'est la participation au mouvement d'émancipation de l'humanité. Emancipation de nos réflexes reptiliens, égoïstes, sauvages. Emancipation des systèmes sociaux répartissant les individus entre dominants et dominés, exploiteurs et exploités… C'est la voie lumineuse du sens de l'existence, celle qui transcende la vie individuelle en la fondant dans celle des peuples, en l'incorporant dans la spirale ascendante de l'humanité vers l'épanouissement de toutes ses capacités, vers la légèreté de l'être. Au regard de cela, le terme "militant" paraît bien barbare, entaché de sa proximité avec le terme "militaire" qui génère des visions de violence, de hiérarchie, d'abandon de l'autonomie personnelle, de la liberté de penser par soimême … La glorification par Lénine du "militant professionnel" ne fait que renforcer cette image négative. Il faudra donc inventer un mot plus poétique pour désigner cette façon quotidienne d'être en rébellion positive contre tous les asservissements sécrétés jusqu'à ce jour par les systèmes sociaux dominants.
Pourquoi des souvenirs épars ? Parce que, près de 25 ans plus tard, il ne me reste que des bribes de mémoire, un kaléidoscope d'images, un bric à brac de scènes, de situations, d'ambiances, d'odeurs, de visages, d'émotions que je ne peux plus relier entre elles, insérer dans une chronologie, situer sur une échelle de valeur allant de l'anecdotique au caractéristique… Il aurait fallu que, comme Robert Linhart auteur de L'Etabli, livre "juste" sur l'usine, je tienne un journal quotidien, mais je n'ai eu ni le temps ni le goût, tout au long de ma vie militante de noter mes impressions quotidiennes. Parce que je ne suis pas un écrivain et que je n'ai pas les qualités intellectuelles et stylistiques pour faire dévaler en un flot tumultueux mais canaliser ces paillettes aurifères qui ont enrichi mon existence. Mais alors, pourquoi invoquer ces fantômes, évoquer ces souvenirs ? Parce que ces torrents de vie qui coulaient entre les murs des usines, cachés par lestoits de tôle ondulée, les hauts murs de briques ou de parpaing, des portails massifs, se sont beaucoup amenuisés et n'ont plus la même couleur et la même chaleur qu'à cette époque-là. Et si je regrette d'être tellement impuissant à rendre compte de cette réalité en voie dedisparition, il me semble au moins nécessaire de tenter de conserver les détails que j'ai pu en retenir. Ceci d'autant plus que, malgré l'existence d'un grand nombre d'intellectuels ouvriers,et, plus étonnant encore, d'étudiants, de lycéens brillants en fin d'études en 1968, "établis" en usine, rares sont ceux qui ont tenté de transcrire cet univers. Donc, en vrac, voilà "mon" wagonnet de souvenirs épars.
Publication Mille Bâbords Richard Ruffel Contre le principe hiérarchique
De même que l'utilisation du téléphone ou de la télévision, de l'avion ou de l'automobile, de l'eau potable ou de l'électricité nous paraissent totalement naturels, les différents types de rapports sociaux fondés sur le mode hiérarchique nous semblent tout autant et tout aussi faussement immuables, universels, intemporels. Les rapports individuels (de couple ou autre), de travail, d'organisation sociale, internationaux ne pourraient se produire et reproduire que sur le mode /modèle de la domination et du fameux système pyramidal, qui du haut de cinquante siècles au moins nous contemplerait et nous contraindrait. Il serait donc naturel que les formes de gouvernance des affaires communes (la politique) se conforme à cette loi de nature, hiérarchique, et que les partis politiques censés représenter les intérêts des membres d'une communauté sociétale obéissent à cette règle commune. * Première objection, il est avéré anthropologiquement que certaines sociétés ont réussi et réussissent encore à fonctionner de toute autre manière. * Seconde objection, l'Homo Sapiens n'obéit pas (ou en tout cas pas totalement) aux "lois de nature". Il n'a cessé d'inventer, expérimenter des systèmes plus que contradictoires d'explication du monde (de l'animisme au monothéisme, de l'astrologie à la science …), de constructions artistiques (de l'hyperréalisme au surréalisme, du classicisme au baroque, du constructivisme à l'abstraction informelle…), de rapports sociaux (endogamie/exogamie, matriarcat/patriarcat…), de division du travail (artisanat/taylorisme, intégration ou désintégration des parts intellectuelle et manuelle dans le processus de production…), et bien sûr d'organisation des sociétés (de la démocratie grecque reposant sur la pratique de l'esclavage jusqu'aux tyrannies dites socialistes en passant par les systèmes de caste, les pouvoirs clientélistes…). L'homme est l'auteur de conceptions mentales qui ne paraissent éternelles et inchangeables que pour nos courtes mémoires. Le "sens commun n'existe que pour un temps et une aire spatiale donnée. Les vraies révolutions sont celles qui rompent avec les dogmes prétendument intangibles ici ou là, hier ou aujourd'hui. Il est patent (pas tant que ça, mais quand même) que les systèmes hiérarchiques sont hégémoniques actuellement partout et dans tous les domaines. Cela ne veut pas dire qu'ils sont inchangeables. C'est lors des situations de crise que les humains inventent de nouvelles solutions afin d'assurer leur survie. Ce n'est par exemple qu'en raison de l'épuisement des ressources énergétiques fossiles que l'on commence à investir dans les énergies renouvelables (éoliennes, solaires…) ou inédites (fusion thermonucléaire…).
Or politiquement le monde est à nouveau en crise, peutêtre encore plus profondément qu'à la fin du XIX° et durant la première moitié du XX° où des expériences (avortées hélas ! ) de renversement de la domination entrepreneuriale/féodale (URSS, Chine, Cuba…) ou coloniale (VietNam, Algérie…) ont été tentées. La crise actuelle (aube du XXI°) englobe les caractéristiques de celles du siècle précédent mais y ajoute de nouvelles données : le caractère mondial de la domination : depuis la seconde guerre mondiale les maîtres de l'économie ont érigé des instruments de renforcement de leur pouvoir à l'échelle internationale (accords de Bretton Woods, création du FMI, de la Banque Mondiale, de l'OMC, de sousstructures continentales comme l'ALENA, le Marché Commun…). l'internationalisation du Capital : par le biais notamment des Bourses, les maîtres de l'économie, possesseurs des principales "multinationales", agissent en transfrontières, déplacent capitaux et entreprises au gré des cours du marché, des coûts de main d'oeuvre et d'infrastructures…, et accessoirement démontrent le caractère archaïque des structures politiques nationales. Les détenteurs du Capital, imbus de leur toute puissance ont porté un coup fatal à la démocratie représentative. Que ce soit en imposant leurs vues aux représentants politiques (à quelque échelon que ce soit, de la commune jusqu'au G7/G8), à découvert (Cf. le lobby nucléaire ou celui de l'eau par exemple), ou par le biais de la corruption (Cf. les entreprises de travaux publics), ou en transgressant allègrement les lois ou règlements édictés par les Parlements ou Gouvernements, les détenteurs du pouvoir économique ont discrédité tout le personnel politique ("achetés", "vendus", "incapables"…), ont démontré que les responsables politiques n'étaient au mieux que leurs hommes de paille, un paravent translucide posé devant leurs manoeuvres de moins en moins occultes, ne disposant d'aucun reste de pouvoir, hormis les fonctions régaliennes de maintien de l'ordre (police, armée, mais même plus la justice, en tous cas en France).
Eloge de l'horizontalité Publication Mille Bâbords Richard Ruffel, avril 2002
Quel type de société voulons-nous ? Une société de héros ou une société d'égaux ?
Nous nageons actuellement dans un monde d’illusions où l’on pousse le culte des idoles au rabais (financières comme Bill Gates ou Jean-Marie Messier, médiatiques comme Loana ou Steeve fabriqués dans un « loft » ; politiques comme Chirojospin ou BenLaBush...), où l’on célèbre les joies de la concurrence (Vivendi Universal contre Napster, émissions du genre « le maillon faible » ou « Kolontah », l’Occident contre le reste du monde, Elf contre les « petits juges » des brigades financières, les « grands partis » détourneurs de fonds contre les « petits candidats »...), la « réussite » plutôt que le labeur nécessaire à la survie matérielle du monde...
De même que l'utilisation du téléphone ou de la télévision, de l'avion ou de l'automobile, de l'eau potable ou de l'électricité nous paraissent totalement naturels, les différents types de rapports sociaux fondés sur le mode hiérarchique nous semblent tout autant et tout aussi faussement immuables, universels, intemporels. Les rapports individuels (de couple ou autre), de travail, d'organisation sociale, internationaux ne pourraient se produire et reproduire que sur le mode /modèle de la domination et du fameux système pyramidal, qui du haut de cinquante siècles au moins nous contemplerait et nous contraindrait. Il serait donc naturel que les formes de gouvernance des affaires communes (la politique) se conforme à cette loi de nature, hiérarchique, et que les partis politiques censés représenter les intérêts des membres d'une communauté sociétale obéissent à cette règle commune. * Première objection, il est avéré anthropologiquement que certaines sociétés ont réussi et réussissent encore à fonctionner de toute autre manière. * Seconde objection, l'Homo Sapiens n'obéit pas (ou en tout cas pas totalement) aux "lois de nature". Il n'a cessé d'inventer, expérimenter des systèmes plus que contradictoires d'explication du monde (de l'animisme au monothéisme, de l'astrologie à la science …), de constructions artistiques (de l'hyperréalisme au surréalisme, du classicisme au baroque, du constructivisme à l'abstraction informelle…), de rapports sociaux (endogamie/exogamie, matriarcat/patriarcat…), de division du travail (artisanat/taylorisme, intégration ou désintégration des parts intellectuelle et manuelle dans le processus de production…), et bien sûr d'organisation des sociétés (de la démocratie grecque reposant sur la pratique de l'esclavage jusqu'aux tyrannies dites socialistes en passant par les systèmes de caste, les pouvoirs clientélistes…). L'homme est l'auteur de conceptions mentales qui ne paraissent éternelles et inchangeables que pour nos courtes mémoires. Le "sens commun n'existe que pour un temps et une aire spatiale donnée. Les vraies révolutions sont celles qui rompent avec les dogmes prétendument intangibles ici ou là, hier ou aujourd'hui. Il est patent (pas tant que ça, mais quand même) que les systèmes hiérarchiques sont hégémoniques actuellement partout et dans tous les domaines. Cela ne veut pas dire qu'ils sont inchangeables. C'est lors des situations de crise que les humains inventent de nouvelles solutions afin d'assurer leur survie. Ce n'est par exemple qu'en raison de l'épuisement des ressources énergétiques fossiles que l'on commence à investir dans les énergies renouvelables (éoliennes, solaires…) ou inédites (fusion thermonucléaire…).
Or politiquement le monde est à nouveau en crise, peutêtre encore plus profondément qu'à la fin du XIX° et durant la première moitié du XX° où des expériences (avortées hélas ! ) de renversement de la domination entrepreneuriale/féodale (URSS, Chine, Cuba…) ou coloniale (VietNam, Algérie…) ont été tentées. La crise actuelle (aube du XXI°) englobe les caractéristiques de celles du siècle précédent mais y ajoute de nouvelles données : le caractère mondial de la domination : depuis la seconde guerre mondiale les maîtres de l'économie ont érigé des instruments de renforcement de leur pouvoir à l'échelle internationale (accords de Bretton Woods, création du FMI, de la Banque Mondiale, de l'OMC, de sousstructures continentales comme l'ALENA, le Marché Commun…). l'internationalisation du Capital : par le biais notamment des Bourses, les maîtres de l'économie, possesseurs des principales "multinationales", agissent en transfrontières, déplacent capitaux et entreprises au gré des cours du marché, des coûts de main d'oeuvre et d'infrastructures…, et accessoirement démontrent le caractère archaïque des structures politiques nationales. Les détenteurs du Capital, imbus de leur toute puissance ont porté un coup fatal à la démocratie représentative. Que ce soit en imposant leurs vues aux représentants politiques (à quelque échelon que ce soit, de la commune jusqu'au G7/G8), à découvert (Cf. le lobby nucléaire ou celui de l'eau par exemple), ou par le biais de la corruption (Cf. les entreprises de travaux publics), ou en transgressant allègrement les lois ou règlements édictés par les Parlements ou Gouvernements, les détenteurs du pouvoir économique ont discrédité tout le personnel politique ("achetés", "vendus", "incapables"…), ont démontré que les responsables politiques n'étaient au mieux que leurs hommes de paille, un paravent translucide posé devant leurs manoeuvres de moins en moins occultes, ne disposant d'aucun reste de pouvoir, hormis les fonctions régaliennes de maintien de l'ordre (police, armée, mais même plus la justice, en tous cas en France).
Publication Mille Bâbords Richard Ruffel, avril 2002
Quel type de société voulons-nous ? Une société de héros ou une société d'égaux ?
Nous nageons actuellement dans un monde d’illusions où l’on pousse le culte des idoles au rabais (financières comme Bill Gates ou Jean-Marie Messier, médiatiques comme Loana ou Steeve fabriqués dans un « loft » ; politiques comme Chirojospin ou BenLaBush...), où l’on célèbre les joies de la concurrence (Vivendi Universal contre Napster, émissions du genre « le maillon faible » ou « Kolontah », l’Occident contre le reste du monde, Elf contre les « petits juges » des brigades financières, les « grands partis » détourneurs de fonds contre les « petits candidats »...), la « réussite » plutôt que le labeur nécessaire à la survie matérielle du monde...
Etudes secondaires au Maroc. Droit et Sciences Po à Aix. "Etablissement" (soudeur et chaudronnier ) durant 12 ans. Depuis: sculpture, gravure, encres, collages, peinture, dessin. Une trentaine d'expositions, des commandes publiques et privées , édition de trois albums( "Attentation Tanger", "Gaza de choc", "Y a pas de Malte"). En même temps je n'ai jamais cessé d'agir collectivement ( Comités de Quartier, "Agir ensemble contre le Chômage", "Réseau d'Education Sans Frontières"...). Parfois s'entremêlent ces deux brins de mon ADN. Yec'h mat !
Vous pouvez retrouver le site de richard ruffel à cette adresse